Liv, 1995 Source |
Par le passé, j'ai été très cliente de ces listes impérieuse qui décrètent qu’il faut acheter comme ci ou comme ça - oui, exactement le genre de liste dont Laure et moi adorions ponctuer nos livres. Sauf qu’aujourd’hui j’arrive à la conclusion que ces listes ne sont pas très utiles, voire nocives : avec leur approche « one size fils all », elles ont tendance à oublier que chacun fait comme il veut et surtout comme il peut. C’est un peu comme les listes de vêtements à avoir absolument dans sa garde-robe. Dieu sait que j’ai cru à fond à ce genre de listes (et que nous en avons aussi truffé nos bouquins - mea culpa maxima). C’est ainsi que je me suis retrouvée avec un trench-coat qui me donnait l’impression d’être l'Inspecteur Gadget.
Aujourd’hui, la seule liste que je me permettais de partager, c’est celle-ci, qui n’engage que moi, qui n’est adressée qu’à moi-même, qui vient de ce que j’ai pu observer de mes achats réussis et ceux qui étaient foirés. Sachant que les seconds ont toujours la même origine : je n’ai pas su m’écouter.
Tu n’as « besoin » de rien Suis-je sur le point de me balader à poil dans la rue pour cause d’absence totale de vêtements dans mon placard ? Pas vraiment. Aucun achat n’est vital, aucun vêtement n’est une question de vie ou de mort. Et fuck la vendeuse qui annonce d’un air menaçant que c’est «le dernier en stock ».
Arrête d’acheter des doublonsLaure nous avait prévenus : les doublons, c’est le Diiiiabbble. Ou, dans mon cas, un moyen d’entretenir ma croyance que, si un vêtement favori venait à disparaître, l’Apocalypse serait proche. En revanche, j’aime bien bien le rituel et le réconfort de racheter certains basiques immuables (Birkenstock, Nike Air, culotte Hanro) quand le modèle précédent est arrivé en fin de vie.
N’achète pas quand tu essayes d’acheter du bonheur Ou que tu essayes de tromper l’ennui. Ou que tu as envie de te faire masser l’ego par un vendeur. Ou que tu as un papier à rendre et que tu procrastines. Ou que tu as une crise de panique à la pensée que nous mourons tous un jour. Ou parce que tu t’es raconté que cette paire de boots va régler tous tes problèmes.
Achètes pour toi Pas pour celle que tu pensais être et pour qui le trench aurait vraiment été un bon basique. Pas pour ressembler à la vendeuse / cette fille que tu as vue dans la rue / cette icône dont tu admirais le style plus jeune. Achète pour le corps, la vie, les besoins qui sont les tiens ici et maintenant. Et rappelle-toi qu’au fond tu n’as besoin de rien (voir plus haut).
Tu aimes ce que tu aimes Les jeans sans signes distinctifs, le noir, le blanc, le bleu, le gris, les boots noires, les sacs en bandoulière, les manteaux et vestes stricts, les dessous sans falbalas, les lunettes classiques, les manches bien longues sur le poignet. (Et, évidemment, des années durant j’ai acheté… l’opposé de cela. Pour moi, c’est le plus grand défi : arriver à accepter que j’aime ce que j’aime et que le reste ne devrait même pas entrer en ligne de compte.)
Laisse tomber les listes Ma révélation (n’ayons pas peur des mots) de cet été. Les listes sont le Diiiiabbble. Un peu con de se dire ça quand on a écrit un livre autour du concept de « to-do list dressing ». D’un autre côté, c’est encore plus con de ne pas s’offrir la possibilité de changer d’avis. Les shopping-lists ou wish-lists ou quelque soit l'anglicisme que l'on utilise sont donc le Démon (ouaip, toujours pas peur des mots). Elles nous figent dans l'idée qu'il nous faut absolument quelque chose (or on n'a vraiment "besoin" de rien, voir plus haut), elles entretiennent un désir qui s'évaporerait sans doute sans ce mémo écrit, elles annulent la possibilité d'être libre dans ses envies. J'avais une telle liste sur mon téléphone, compilation de ces "indispensables" qui me semblaient manquer absolument à mon armoire. J'ai effacé cette liste, et avec elle le "besoin" de ces choses s'est évaporé. Sans regrets.
Jeanne-Aurore