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Vêtement & liberté (I) : "Velvet Goldmine"

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Jonathan Rhys Meyers
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Avant que Christian Bale ne devienne Batman, Ewan McGregor Obi Wan Kenobi et que Jonathan Rhys Meyers ne rejoigne Woody Allen dans le très acclamé « Match Point », bref, avant qu’ils ne s’achètent de bonne conduite cinématographique, ces futures valeurs sûres se sont laissées dévergonder le temps d’un  ébouriffant puzzle psychédélique orchestré par Todd Haynes : « Velvet Goldmine ». Nous étions en 1998, le cinéma indie américain brillait encore de mille feux. Et briller, c’est bien le mot d’ordre de ce film-ovni qui ambitionne de remixer « Citizen Kane », Oscar Wilde et les années glam rock, le tout saupoudré d’un déluge de plumes, de paillettes, de guitares saturées.

Ce film, adoré à sa sortie et des années durant puis un peu oublié à mesure que je me sentais moins touchée par le cinéma de Todd Haynes, m’est immédiatement venu à l’esprit quand j’ai appris la mort de David Bowie, et  j’ai eu envie de le revoir.

[ Petite parenthèse Bowie : son décès m’a laissée, comme beaucoup de monde, triste et incrédule. Sa musique m’accompagnait depuis l’enfance, quand ma mère écoutait à fond sur sa chaine l’album « David Live » et que je passais des heures à décrypter le déhanché de Bowie, en complet blanc et pull bleu à pois, sur la pochette. Avec la mort de Bowie, une page s’est tournée. Ses  héritiers sont partout - aujourd’hui impossible pour une pop-star de ne pas avoir intégré pleinement le système bowien de la réinvention permanente -,  mais ne nous leurrons pas, personne ne saura jamais le faire comme lui, avec autant de classe et, surtout, de recul.]

Contrairement à de nombreux films culte de mon passé et que j’ai revu ces derniers temps à ma plus grande déception, « Velvet Goldmine » est resté tel que dans mon souvenir. Un truc clinquant, brillant, brouillon, à la narration de bric-et-de-broc, foutraque en certains endroits, foutrement enthousiasmant en d’autres, et de bout en bout, jouissif. C’est une bio déguisée de Bowie, et la chance de ce film est d’avoir été dès son début désavoué par Bowie lui-même, qui refusait l’idée d’un biopic lui étant consacrée et n’a pas cédé les droits de ses chansons. Qu’à cela ne tienne, Haynes s’est passé des chansons, en a créé d’autres, utilisés d’autres références représentatives de l’époque mais peut-être moins tarte à la crème. Bref, il n’a fait ni un biopic, ni une vraie bio (évitant peut-être ce faisant de sonner comme un mauvais téléfilm), mais un agrégat bizarro, un collage d’images iconiques, un mix d’anecdotes reformatées. Et tant pis pour ceux qui voudraient la vérité ! Le message principal de "Velvet Goldmine"étant que la vérité, heureusement, n’existe pas (ou qu’elle est ailleurs – magnéto Serge pour la musique de « X -Files ») et que d’ailleurs on s’en fout : il est tellement plus drôle de s’inventer sa vérité, sa vie et bien sûr, puisque nous sommes dans un film à paillettes, son look ou plutôt ses looks. Ceux du film - fun, flamboyants - étant signés Sandy Powell, costumière de référence habituée des films de Scorsese. 

Dans « Velvet Goldmine », on enfile les identités comme les costumes, on se découvre ou détourne l’attention grâce au vêtement. Rarement un film aura aussi bien capté le pouvoir transformateur, libérateur, et surtout mystificateur, du vêtement. Jonathan Rhys Meyers se glisse dans la peau de Brian Slade, une pop star qui pourrait être Bowie tant son parcours mime le sien, mais qui pourrait tout autant être l’une des autres gloires du glam, comme Brian Eno (qui participe d’ailleurs à la géniale B.O. du film), aussi bien qu’il pourrait être l’incarnation de la Star par excellence : une magnétique, magnifique coquille vide. Tout en longueurs péroxidées, jeans moulax et khôl charbonneux, Ewan McGregor campe un hybride d’Iggy Pop/Lou Reed/Kurt Cobain à vous donner envie de ne plus arborer autre chose que jeans en cuir et pulls noirs pour le restant de vos jours. Ses prestations live sont bluffantes. Mention spéciale à Toni Collette, une actrice que j’adore (« Muriel, finish your Orgasm ! ») à qui revient d’endosser les oripeaux de cet archétype de tout bon film rock : l’ex-femme de rocker. On la voit ainsi passer du glam au gros pull informe, un relookage à l’envers très savoureux.

Et puis, pour ceux qui avaient oublié qu’il pouvait être un interprète touchant et juste, Christian Bale enfile l’habit a priori le plus ingrat du film, mais qui se révèle être le plus passionnant : celui du fan qui tente, maladroitement, de ressembler à ses idoles et, ce faisant, se révèle à lui-même. Si les scènes musicales du film (assurées par un who’s who du rock des plus impressionnantes, de Brian Molko à Thom Yorke de Radiohead) sont tout à fait chouettes, ma scène préférées demeure celle où Bale, interprétant le banlieusard peu sûr de lui Arthur, ose faire son coming out, vestimentaire mais pas que, et s’aventure dans sa morne rue pavillonnaire, avec un mélange de fierté et d’inquiétude, vêtu d’un t-shirt moulant bardé de badges et ce, détail formidable, après avoir caché sa veste banale dans un buisson de la maison familiale. Qui ne s’est jamais senti le roi du pétrole après une coupe de cheveux réussie, qui n’a pas jamais noué un bandana dans ses cheveux pour faire comme Madonna, qui n’a jamais éprouvé le plaisir savoureusement rebelle de se présenter à un dîner prout en Converse élimées, qui n’a jamais chanté pour le Stade de France à poil dans sa salle de bains avec un déodorant pour  micro, qui n’a jamais tenté un déhanché à la Elvis/Prince/Bowie juste parce que ça fait du bien lui jette la première pierre. Pour les autres, revoyez ce film, qui en ces temps présents qui voudraient nous lisser, nous encadrer, nous encarter, célèbre la liberté d’écouter, d’aimer, de porter tout ce que l’on veut. Après tout, « We can be heroes »...


My love letter to « Velvet Goldmine », the Todd Hayne’s glam rock extravaganza which is as much an ode to Bowie, feathers and good music played very loud as it is to the transformative experience of being a fan, the liberating power of clothing, the perfect leather pants as worn by Ewan McGregor and the unsung qualities of Christian Bale. An underrated must-see indie masterpiece.


J.A.



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