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Channel: l'armoire essentielle
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Old thing

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A la suite de Laure, j’ai eu envie de me pencher sur ces vêtements qui sont, de longue date, les pensionnaires de mon placard. Comme elle, l’idée me taraudait : moi qui ai claironné à longueur de posts être en quête d’intemporels, en avais-je vraiment en ma possession ? Je coupe court tout de suite au suspense : pas tant que ça. Et ça ne me choque pas vraiment. Je reviendrai plus loin sur cette idée, mais en préambule, disons déjà qu’après des années de tris et rechutes, après mon projet armoire 2.0. dont le but était justement de repartir de zéro, je ne suis pas étonnée de n’être pas la propriétaire d’une collection de trésors vintage. Et que, au final, je me rends compte que ce n’est pas mon but.

Quoiqu’il en soit, les quelques survivors que je détiens ont ceci d’intéressant (enfin, relativisons, intéressant pour moi) qu’ils tracent en creux mon parcours d’acheteuse, entre choix intelligents et dérapages délirants.

Il y a d’abord le foulard japonais (circa 1998-9), celui qui aura survécu à tous les tris, celui que mon fils aujourd’hui, cet escroc, s’est approprié pour en faire un doudou, celui que je me rappelle avoir porté hiver comme été avec mon combo favori de l’époque, jean brut APC sur les fesses, T-shirt Petit Bateau sur le dos, boots ou Adidas aux pieds. Outre que son imprimé d’hirondelles printanières provoque chez moi une JOIE (© Marie Kondo) irrépressible, je crois que je l’aime aussi parce qu’il est talisman, gri-gri me ramenant à cette époque où j’étais capable d’acheter « sainement », piochant en début de saison quelques basiques auprès de deux-trois marques qui correspondaient à mon budget et à mon goût (APC, Agnès B…), que je complétais par des encore-plus-basiques de chez Petit Bateau ou Gap. Et c’était tout. Je ne passais pas ma vie à shopper, je n’avais pas besoin de « détoxer » mon armoire dans la mesure où elle était en très bonne santé. Un fonctionnement sans histoire que je me suis empressée de jeter aux orties.

Autre pièce à conviction et autre étape de mon armoire, le portefeuille increvable (circa 2001). J’en ai déjà parlé ici, je ne vous refais pas son historique. Cet objet a marqué un tournant pour moi, il est sans doute le dernier achat un peu malin et serein que j’ai fait durant la décennie 2000. J’avais mon premier job, mes premiers salaires, plus d’argent à dépenser, la tête farcie des looks schizophréniques de Carrie dans « Sex & The City », H&M et Zara se déployaient à chaque coin de rue parisien. Bref : j’étais prête à sombrer dans la surconsommation, les looks jetables, à nier mon goût profond pour les choses simples et anonymes. J’ai donc déconné. Big time. J’avais beau avoir ce portefeuille comme preuve de ma capacité à faire des achats sensés, je me suis mise à acheter sans réfléchir, sans compter. J’ai sombré dans le flou, un flou qui était aussi celui de ma fin de vingtaine, où j’étais en quête d’une direction professionnelle, ballotée par des histoires d’amour qui n’en étaient pas, bref, j’achetais pour me consoler, pour me raconter que ça allait s’arranger, pour me faire croire qu’une jupe, un pantalon, un pull allaient m’aider à définir cette identité que j’avais tant de mal à cerner ou à séduire tel garçon qui se moquait éperdument de moi.

Et c’est là que j’ai décidé de faire une thérapie. Mais, ça, c’est une autre histoire. Quoique. Si vous avez déjà consulté un psy, freudien en plus, ou regardé un jour un film de Woody Allen, vous savez que s’allonger sur le canapé a un certain coût. Et quand j’ai décidé de consulter, comme on dit, c’est sans doute la première fois que j’acceptais de consacrer un budget destiné à mon bien-être, à mon mieux-être même, à autre chose que des fringues. Révélation, révolution. Pas tout de suite suivi d’effet, malheureusement.

Mais j’ai néanmoins commencé à m’interroger, à regarder mon armoire d’un autre œil, à rêver d’une « armoire idéale » même si à l’époque elle était plus de l’ordre du virtuel (cf. le livre publié avec Laure dans ces années-là) que du réel. Et puis, lentement, sûrement, quoique chaotiquement, les choses ont commencé à évoluer.

Et c’est là qu’entre en scène le pardessus intemporel (circa 2009). Avec lui, c’était la première fois en près de dix ans que je décidais de m’offrir un beau vêtement, en renonçant à des dizaines d’achats inconséquents. La première fois que  j’acceptais de me dire, ok chérie, on arrête les conneries. Non pas que je les ai arrêté tout de suite. Mais avec ce manteau dans mon placard, c’était soudain comme avoir mon but sous les yeux. Non pas une armoire de luxe, ou remplie de « grands noms » (même si je l’ai cru à un moment) mais une armoire qui tienne la route, qui me rende heureuse, remplie uniquement de vêtements, d’accessoire, qui me feraient autant sourire que ce portefeuille, ce manteau, ce foulard.

Et bizarrement – ou peut-être pas, d’ailleurs – cette prise de conscience a aussi coïncidé avec une forme de lâcher prise graduel sur la notion d’intemporel. Car mon très beau manteau de 2009, tout aussi classique et qualitatif soit-il, à force de le porter et reporter, commence à montrer des signes d’usure qui le rendront prochainement peu glorieux. Est-ce un drame, un échec ? Non, juste le cycle normal d’un placard. A l’époque de l’achat de mon foulard, lorsque j’achetais en toute sérénité, je le faisais sans rêve que les objets durent une vie. Je portais mon jean brut, mes Adidas, mes Petit Bateau, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus présentables, puis je les remplaçais, reconnaissante d’avoir été si bien servie par ces achats. Aujourd’hui, j’ai retrouvé cet uniforme de mes vingt ans (« la boucle est bouclée », etc. ), j’ai remis en pratique le principe enseigné par mes grands-mères (investir dans un manteau et des chaussures de qualité), et je me dis qu’hormis quelques exceptions (mes bijoux portés au quotidien, ma besace en cuir), il n’y a rien de fondamentalement increvable dans mon armoire. Et que le renouvellement de ces vêtements, du moment qu’il se fait au fil de l’usure et non par caprice,  n’a rien que de très naturel.

Jeanne-Aurore



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