Entre Laure qui se demande si elle aime encore le skinny et mon envie d'enfin (re)trouver mon jean idéal, il semble que le denim soit devenu un vrai casse-tête. Ce qui est paradoxal. Un jean devrait s'enfiler sans réfléchir, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai quasiment renoncé à tout autre forme de vêtement. Mais mes jeans actuels ne m'apportent pas la félicité que j'en attendrais. Je sais. Si je veux vraiment trouver la félicité, je devrais m'inscrire à un stage de yoga dans l'Himalaya. Mais je suis futile, et recherche donc mon bien-être spirituel auprès de Saint Denim. Priez pour moi. Et dans le contexte actuel de ma constitution d'une armoire "quintessentielle", il était bien normal que toutes ces méditations liées au jean me mènent tout droit vers le 501. Parce que, en termes de quintessence, le 501 de Levis est à peu près insurmontable. C'est l'Himalaya des jeans, avec ou sans cours de yoga.
Me voilà donc qui réfléchit au 501. Qui me rappelle soudain à quel point Sade Adu était adorable dans ses 501 d'homme. Qui me dis que le jean qui était bon pour Marilyn, James Dean et Brenda Walsh devait quand même savoir ce qu'il faisait. Il se trouve que mon amie Jennifer, de l'autre côté de l'Atlantique, se pose les mêmes questions. Qu'elle se demande comme moi comment il se fait que nous n'ayons pas ce classique dans nos armoires. Qu'elle se dit que les 501 de nos 20 ans seraient toujours chouettes aujourd'hui. S'ensuit un échange frénétique d'e-mails entre elle et moi. Jennifer m'annonce qu'elle vient de commander trois 501 vintage sur Etsy. Je n'image pas une seconde commander un jean sans l'avoir essayé et la trouve par conséquent extraordinairement audacieuse.
Quelques jours plus tard, mes pas me dirigent vers la boutique de fripes Kiliwatch. Pour en avoir parlé dans notre livre ""Le vintage des Paresseuses", je sais que c'est une bonne adresse pour essayer des vêtements de seconde main qui ne sentent pas (trop) les pieds. Mais dès le seuil passé, je me demande si je n'ai fait une erreur. Je me sens trop vieille pour ce genre d'endroit. Je trouve la musique trop forte. Je m'inquiète pour la santé d'un vendeur qui a abusé des tatouages et piercings : ses parents sont-ils au courant ? Je ne comprends rien aux rayonnages. Mon retour vers le futur du vêtement souligne clairement que je n'ai plus l'âge où je portais des 501. Adieu, mes 20 ans... La fierté m'empêche cependant de fuir. J'y suis, j'y reste, toute cacochyme que je sois. Sous une pile - que j'arrive à soulever sans trop de problème, ouf l'arthrose ne m'a pas encore gagnée -, je trouve un 501 d'homme joliment élimé. Je l'essaye. Je trouve la cabine trop petite, l'éclairage indigne, je me sens encore un peu plus âgée. Je me regarde sous toutes les coutures. J'aime bien. La taille haute. La jambe pas slim du tout. J'imagine très bien la chose avec une paire de sandales, un t-shirt blanc. Ou une chemise, comme dans le clip de "Paradise"- oh, ce parfait 501 ceinturé à la taille porté avec un stetson de paille...
Bizarrement, je n'arrive pas à passer à la caisse. Le 501 ne coûte que 30 euros, je peux tenter le coup de l'erreur d'achat sans faire frémir mon banquier. Mais quelque chose bloque. Une réticence à briser sur un coup de tête mes 4 mois sans achat pour une pièce qui n'est même pas sur ma wish-list ? La sensation du "been there, done that", que le 501 c'est une affaire ancienne et qu'aujourd'hui lui et moi, c'est vraiment fini ? Que chantait Sade, déjà : "Never as good as the first time", "jamais aussi bon que la première fois" ? Je repose le jean sous sa pile (oui, ce truc absurde et inutile de remettre un truc sous une pile en boutique en se disant que de la sorte il risquera peut-être moins d'être chipé par quelqu'un d'autre au cas où vous reviendriez l'acheter). Je sors du magasin pour lequel je suis trop vieille. Je retourne à mes jeans, ceux qui ne sont pas mythiques. Le 501 me reste en tête. Je reçois un e-mail de Jennifer. L'un des ses 501 vient d'arriver. Il lui plaît... Et si je retournais fouiller sous cette pile ?
The classic Levi's 501 has been on my mind lately. So much so that I even went and tried a pair at a vintage store. And could not decide wether it's the ideal garment for me right now, or if it's just the nostalgia for the uniform of my youth that is speaking...
J.A.C.