Jeanne-Aurore à Laure : Et si on parlait de la garde-robe... de tes filles ? comment tu la gères ? est-ce que tu achètes beaucoup, en fonction des besoins, comment tu ne t’arraches pas les cheveux à habiller deux enfants ? que fais-tu des vieux vêtements ? comment fais-tu si on t’offre des fringues que tu n’aimes pas ? et quid de la plus grande bientôt ado et peut-être avec des demandes que tu dois négocier ?
Laure à Jeanne-Aurore : Tu connais peut-être ce mode de pensée américain qui dit que les enfants doivent être libres de choisir ce qu’ils portent afin de pouvoir s’ex-pri-mer (même Sofia Coppola est d’accord, je l’ai lue prôner ça dans une interview, disant que ça la choquait de voir « children in navy blue »). Eh bien… je me situe radicalement à l’opposé de ce point de vue ! On pourrait dire que je suis une Folcoche fashion avec mes enfants, mais en réalité, je considère simplement que cela fait partie de l’éducation, au même titre que le droit à regarder tel dvd et pas tel autre, le devoir de manger des légumes verts plutôt que des chips… Je ne vois pas pourquoi je dirais non à un paquet de bonbons et oui à un t-shirt Dora. Et puis, choisir les vêtements de ses enfants, pour moi, ça véhicule aussi une idée de transmission : tu transmets qui tu es, tes goûts, tes valeurs, plus tard, ils seront libres de prendre ou de rejeter, mais au moins, tu auras essayé de leur faire passer quelque chose.
Après, je dis ça, mais je fais aussi certaines concessions… Des concessions réfléchies, elles lâchent un peu de lest (ok pour la couleur, mais pas cette couleur !), et moi aussi… Par exemple, j’ai longtemps refusé le t-shirt Eleven Paris (en photo), arguant qu’elles ne connaissaient ni Kate Moss, ni Lenny Kravitz ni qui que ce soit qui était imprimé dessus. Jusqu’au jour où je suis tombée sur le visuel Marilyn : comme elles la connaissent, la reconnaissent, qu’elles ont vu certains de ses films, que ça a du sens, je le leur ai offert. Car de manière générale, elles sont très au courant de mes goûts, de mes faiblesses aussi, elles savent parfaitement si je vais dire oui ou non ; elles en jouent, parfois. Et ce qui est assez touchant, c’est de voir qu’au fil des années, des goûts assez similaires se dessinent, et qu’elles sont spontanément attirées par des choses qui me plaisent également. Des choses que je n’aurais peut-être pas sélectionnées délibérément, mais que, à travers leur regard d’enfant, j’aime et je trouve pertinentes. Comme quoi je leur transmets, mais elles me transmettent aussi !
On adore se retrouver toutes les trois dans des enseignes type Zara ou Gap, ou Old Navy à Los Angeles (la fast-fashion, pour les enfants, je trouve ça très cohérent), elles essaient plein de trucs improbables, et on repart avec d’énormes sacs. Je me sens toujours très coupable de leur faire vivre cette griserie consumériste, mais c’est tellement un moment de complicité et de rire que bon, je mets mes principes au placard, et j’en profite à fond avec elles. Mais ça reste exceptionnel : la capsule wardrobe, c’est aussi valable pour elles ! Surtout pour elles, d’ailleurs : elles grandissent tellement vite… Donc au quotidien, j’achète strictement en fonction des besoins, et sans elles. Je vais chez Petit Bateau et je dis : elles ont chacune besoin d’une robe et d’un pull. C’est vraiment moi qui gère.
C’est moi qui gère… à tel point (je sais que ça peut paraître aberrant, mes filles ayant 8 ans et 11 ans) que je choisis leurs vêtements de la journée. C’est le seul moyen pour qu’elles aient bien un pull quand il fait froid, qu’elles ne mettent pas le chemisier super pénible à laver et à repasser pour traîner à la maison, ou qu’elles n’attrapent pas machinalement toujours le même t-shirt. Je sais que l’idéal serait que l’on fasse ça ensemble et que je leur dise : aujourd’hui, tu as sport, aujourd’hui, les températures baissent, donc choisis en conséquence. Mais j’avoue que tous les jours, la perspective m’enquiquine, et qu’elles ne sont pas spécialement demandeuses. Je crois qu’elles se sentent simplement à l’aise dans ce que je leur propose : je les connais bien, donc je sais, je pense, ce qui leur correspond.
Pour répondre à tes autres questions :
- j’ai résolu le problème d’habiller deux enfants… en les habillant pareil (ça aussi, je sais, c’est mal). J’achète très souvent les mêmes vêtements pour les deux. Ou alors, je varie la couleur, la grande, sérieuse, préfère d’elle-même les couleurs neutres, tandis que la petite, plus délurée, pétille en couleurs vives – mais à part ça, la robe, ou le t-shirt, sera le même. Et au moment de s’habiller, je décide « Toutes en marinière », ou « Toutes en jupe à pois »… Cela ne pose pas de souci les jours d’école, l’une étant au primaire et l’autre au collège. Quand on sort ensemble, je fais quand même attention, j’évite le côté jumelles. Mais il est clair que tu n’en verras jamais une en jupe et l’autre en pantalon, si la météo et le programme sont identiques pour les deux ;)
- les vieux vêtements… Pendant longtemps, la cadette a récupéré ceux de l’aînée, mais c’était en plus, je ne voulais pas qu’elle n’ait que ça. Aujourd’hui, la plus petite fait la même taille que la grande, donc… En tous les cas, la direction finale, c’est Emmaüs.
- aaaah, le cauchemar des fringues qu’on t’offre et que tu n’aimes pas ! J’essaie de m’en débarrasser discrètement, sauf, bien sûr, si ça plaît vraiment à mes filles. Car il y a des fois où, c’est comme ça, tes enfants portent des trucs que tu n’aimes pas, et tu encaisses !
- mon aînée bientôt ado… mais un rêve d’ado, alors ! Je ne sais pas ce que ça donnera dans deux ans, mais pour l’instant, elle ne m’a pas encore réclamé de piercing ;) Je pensais qu’en entrant dans un collège américain, elle se mettrait à, au mieux, vouloir du Abercrombie & Fitch, au pire, virer gothique, mais en réalité, elle reste exactement comme elle l’a toujours été : coquette, appréciant les jolis détails… Pas du tout intéressée ni stressée par les marques. Dans le droit fil de l’enfance et de ce qu’elle a toujours été, finalement. Même si (c’est ma fille) elle est capable de lire une étiquette, et fait la moue quand elle lit « 100% polyester » !
L.G.