Aujourd’hui, j’avais prévu de parler de mes cheveux. J’avais même le nom du billet à base de jeu de mot nullard : « Court toujours ». Et puis, ça a un peu bifurqué vers autre chose dans ma tête et donc sur la page. En réalité, c’est vrai, tout part de mes cheveux… Parce que, d’une manière ou d’une autre, tout est toujours lié aux cheveux dans la vie, non ? Pas pour rien qu’on parle de « bad hair day ». Ils peuvent salement vous pourrir la vie, ces abrutis. Ou l’améliorer. Ou tout simplement être le reflet de ce que vous traversez, en bien ou en mal.
Avec mes cheveux, comme avec tout d’ailleurs me concernant, j’ai toujours eu le sentiment qu’ils n’étaient pas assez. Pas assez jolis. Pas assez maniables. Pas assez comme dans les magazines ou comme ceux de ma copine X ou Y. Bref, pas assez parfaits. Car dans mon esprit, il fallait que les choses soient parfaites, ou ne soient pas. Je voulais une garde-robe parfaite. Je voulais le job parfait. Quand j’entreprenais un projet, je rêvais qu’il soit parfait. Et bien sûr, rien n’était jamais parfait. Je me plantais. Je n’arrivais jamais à écrire l’article idéal. Mes cheveux n’étaient jamais comme dans les magazines. Mais j’avais la sensation que d’autres y arrivaient, que d’autre avaient les cheveux parfaits, la vie parfaite, le job parfait. Et moi je me retrouvais toujours avec cette sensation de n’être pas assez.
Je pense que mes cheveux ont compris avant moi qu’ils en avaient marre de cet état de fait, et que c’est eux qui m’ont poussé à tout couper. C’était il y a six mois, et sur le coup, j’étais persuadée que je ne les garderais pas courts. Je pensais que ce serait comme toutes les autres fois, une passade, et que j’aurais immédiatement envie de tout laisser repousser. Mais bizarrement, pour la toute première fois de ma vie, j’ai eu la sensation que les choses étaient bien comme ça. Assez bien comme ça. Pas parfaites, pas démentes, pas « je me la pète en couve d’un magazine », juste que ça m’allait comme ça. Que c’était suffisant. Que mes cheveux et moi nous étions suffisants. Qu’il n’y avait pas besoin de plus.
Je suis même allée de plus en plus vers le moins, en coupant davantage à chaque rendez-vous avec mon coiffeur. Snip-snip-snip. A chaque coupe, la sensation que des branches mortes tombaient. Le besoin de perfection. Le besoin de ressembler à un magazine. Snip-snip-snip. Partis-partis-partis tous ces besoins. Bye-bye-bye. Ne revenez plus.
J’apprends aujourd’hui à penser qu’il n’y a besoin de rien de plus. Pas besoin de cheveux plus longs et plus « glossy glossy » (j’ai eu l’autre jour une crise de fou rire devant une publicité pour une teinture qui prétendait produire cet effet – je ne sais pas trop ce qui me faisait le plus pouffer, l’adjectif idiot ou la promesse irréaliste). Pas besoin d’une vie plus parfaite. Ce qui est me suffit, enfin.
Jeanne-Aurore