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Question-réponse : Bijoux or not bijoux ?

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Michelle Pfeiffer par Bruce Weber pour le Vogue US (Octobre 1989)
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Laure  à Jeanne-Aurore : Parle-nous un peu de ton rapport aux bijoux, je sais que dans ce domaine, tu es carrément plus qu'essentielle... 


Jeanne-Aurore à Laure : Cette question tombe à pic, cela faisait un moment que je voulais parler de bijoux ici, mais sans trop savoir comment prendre la question – reflet sans doute de ma relation amour/haine à ce type d’accessoires. J’avais évoqué déjà dans ce post mon rêve du gros bijou signature porté avec une silhouette minimale. Mais la vérité c’est que pour moi, ce type de silhouette demeure bien de l’ordre de la rêverie, de l’inaccessible. Je me fantasme Sade – jean 501 délavé, chemise blanche, immenses créoles graphiques – alors que la vérité est que dès que je porte un bijou un tant soit peu volumineux, par exemple un bracelet type manchette, catégorie de bijou que je trouve absolument sublime, je finis par l’enlever au bout d’une heure (là vous devinez sans peine la dizaine d’erreurs d’achats de manchettes revendues ou redonnées ensuite, avec toujours cette même constatation : je n’arrive pas à les porter sereinement).

Comme beaucoup de petites filles, je crois, j’ai grandi absolument fascinée par les boites à bijoux et les bijoux des femmes qui m’entouraient. C’est là la force du bijou, son aspect intime, porté à même la peau : il nous touche, à tous les sens du terme. Broche en faux rubis à laquelle je repense si souvent car elle m’évoque mon arrière-grand-mère, médaille de baptême de ma grand-mère , bagues de ma mère : ces bijoux ont accompagnés mon enfance, vivent dans mes souvenirs. Je les ai admirés sur ces femmes aimées, souvent essayés (aujourd’hui encore je demande souvent à ma mère de passer ses bagues, pour voir ce que ça donnerait sur moi) – mais je crois que quelque chose en moi est toujours resté « enfant » face aux bijoux. Je les regarde de loin, comme appartenant à un monde étrange, fascinant, mais qui d’une certaine manière n’est pas le mien. Longtemps j’ai cru y voir un rapport problématique à ma féminité, un refus à vivre mon état de femme pleinement – comme si être une femme, adulte, une « grande », c’était porter des bijoux, se sentir à l’aise avec eux. Aujourd’hui, je pense les choses différemment.

Bien sûr, ado, il y eut bijoux à gogo. C’était ma période Madonna, bracelets en plastiques, boucles d’oreilles Snoopy, bracelets brésiliens et grosses bagues que je me fabriquais moi-même. Mais là encore, il y avait encore quelque chose d’enfantin avec le bijou. Je me déguisais, je  ne prenais pas ça au sérieux, tous ces bijoux étaient du toc. Ca m’est passé. A la fac, tentative du bijou en vogue à l’époque : le piercing au nombril. Mon corps devait sentir que ça n’était finalement pas mon truc : je fais une énorme allergie à l’anneau et suis obligée de l’enlever au bout de deux mois. Je porte encore aujourd’hui la cicatrice, rappel qu’entre les bijoux et moi, c’est compliqué. La fin des années 90 et la vague minimaliste me donne enfin la sensation que je peux pleinement vivre sans bijou : sur mon idole Carolyn Bessette Kennedy, pas le moindre bijou si ce n’est de temps à autres une montre Cartier ou une très simple paire de perles d’oreille, et pour autant elle exprime une hyper-féminité. Idem la Meg Ryan de Vous avez un message qui porte juste une montre, et c'est tout.

Bien sûr, j'aurais pu en rester là et assumer ce parti-prix. Bien sûr, les choses se sont passées autrement. Car - comme avec mes goûts ultra-simples en matière de garde-robe - je n'ai pas réussi à assumer, j'ai déraillé. Avec l'arrivée de la fast fashion et des géants comme H&M, j'ai fait comme tout le monde : acheté des bijoux comme on achète une baguette, porté des grands sautoirs et des broches pour faire comme Carrie Bradshaw, alors que je savais au fond de moi que mon rêve était de porter seulement quelques discrets et durables bijoux signatures, toujours les mêmes. Voire pas de bijoux du tout.

Ce qui nous amène à aujourd'hui. Et à ce que je porte au quotidien. Une paire de brillants d'oreille. Une alliance. Une montre. Ces bijoux ont pour point commun de m'avoir été offerts par des êtres chers et de commémorer des moments heureux. Ils sont un rappel, un message - comme peut l'être un tatouage pour certains. Je ne les envisage même plus sous la forme de l'ornement, de l'apparat, mais comme des parties de moi. Il m'arrive de ne pas les porter - souvent je ne porte que ma bague - mais les perdre ou m'en séparer serait un vrai drame, et non en raison de leur valeur véritable, mais en vertu de tous les souvenirs chers qui y sont rattachés. C'est peut-être là la raison de mes relations compliqués aux bijoux : j'ai besoin qu'ils aient un sens, qu'ils soient porteurs de tendresses, passeurs de mémoire. Avec eux, je n'arrive pas à être frivole ou volage : je les envisage comme un engagement à vie. Mais j'ai fait ma paix avec ça : je continue à prendre un plaisir fou à admirer les bijoux sur les autres et à vivre, moi, avec ce trio bague/boucles/montre qui me suffit.


P.S. : Mais au fait, toi, Laure, ça ne te dirait pas de nous parler de ton propre rapport aux bijoux ?




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