Audrey Hepburn par Sid Avery (1957) source |
Ce post est paru la première fois sur mon ancien blog,
Le Club du Style, en 2007.
Ces derniers temps, Paris m’a donné des coups, et pas uniquement au figuré. J’étais donc un peu fâchée avec la ville, lassée du manque de courtoisie ambiant – un sentiment encore exacerbé par mon passage à Stockholm où, c’est peut-être mon statut de touriste qui m’a fait embellir les choses, le civisme ne semble pas encore être lettre morte. Mais aujourd’hui, une rencontre avec un beau personnage m’a un peu réconciliée avec la patrie parisienne.
Cela fait un an, peut-être plus, que je croise au détour des rues du Marais une femme extraordinaire. Avec sa silhouette tout en finesse, ses cheveux argent coupés court, ses années portées superbement, je l’ai repérée à plusieurs reprises sans jamais oser l’aborder. Il faut dire, manque de bol suprême, qu’à chacune de ses apparitions j’étais sans appareil photo (et donc sans moyen de capture sa classe folle) et qu’elle était toujours à vélo, un petit chien logé dans le panier avant accroché à son guidon, filant à toute allure. Une vision particulièrement mémorable : le jour où je l’ai aperçue en col roulé noir, jean brut fuselé, petites ballerines toutes simples et rouge à lèvres carmin, comme sortie des pages du Harper’s Bazaar de 1961.
Bref. Sans connaître cette femme, sans lui avoir jamais adressé la parole, je lui vouais un culte silencieux et je repensais souvent à elle. Depuis plusieurs mois, je ne l’avais pas croisé et, d’une certaine manière, j’appelais de mes vœux une rencontre fortuite, espérant encore une fois la voir me donner une leçon de mode.
Et puis aujourd’hui, à deux pas du Musée Picasso, la voilà arrêtée au coin d’une rue. J’enregistre instantanément sa tenue estivale : polo couleur mandarine, pantalon cigarette noir, ballerines chinoises à brides en velours noir. Et puis, toujours le même vélo, toujours les lèvres carmin, toujours la grâce de jeune fille maintenue malgré les années, toujours le petit chien dans son panier avant, toujours cette impression que si Audrey Hepburn était encore de ce monde, elle aurait justement ce charme-là.
Chargée de mes courses, de mon bouquet de dahlias, un peu ridicule mais pour une fois décidée de ne pas laisser passer la chance, je fonce sur l’objet de mon obsession. Et je lui avoue tout. Que je la croise depuis des mois sans oser l’aborder. Qu’elle est la femme la plus élégante que j’aie jamais croisée à Paris. Que son allure incroyable et son chic inné me mettent en joie.
En face de moi, un grand sourire : « Mademoiselle, vous venez de faire ma journée. » Elle a un accent américain craquant, elle est encore plus belle de près que de loin. « Non, c’est vous qui venez de faire la mienne, lui dis-je ». Puis chacune part de son côté, en disant que nous espérons nous croiser bientôt. Cette fois-là, je l’espère, j’aurai mon appareil avec moi. Car mes mots peinent à rendre justice à cette femme dont je ne connais pas le nom et qui a su, en un sourire, me re-donner envie de croire que le monde n’est pas si moche que ça.
J.A.C.