Il y a un truc qu’on n’enseigne pas aux filles de vingt ans (et finalement, heureusement) : c’est le vieillissement. Bien sûr, toute personne sensée le sait, qu’elle n’est pas en train de rajeunir, et au contraire, qu’elle est très occupée à vieillir. Sauf que quand on est jeune, on vit malgré tout dans l’illusion que vieillir, ça n’arrive qu’aux autres. Du coup, on est très fort pour déclarer avec beaucoup d’aplomb que la chirurgie esthétique, c’est non non non, et que le Botox, jamais de la life.
Mais on n’est pas du tout préparé à ce que cela fait réellement de voir sur son visage les signes de vieillissement de plus en plus nettement. Au début, on trouve ça mignon une ride, autour des yeux, c’est joli quand on sourit. Et puis tous ces mots que l’on lit dans les magazines d’un œil distrait (voire ironique) finissent par réellement arriver : la perte d’éclat… le relâchement… enfer et damnation, la ride du lion !
Moi, j’ai bientôt la quarantaine, je ne ressens pas la perte d’éclat, le relâchement, mais la ride du lion… Ça faisait plus d’un an qu’elle me taraudait. Sincèrement, j’étais la seule à la remarquer, mais dans le miroir, sur les photos, je ne voyais que ça. Et ça me rendait vraiment triste. Pour citer de mémoire une phrase qu’a dit Jane Birkin, cette ride, elle donne l’impression qu’on a fait la gueule toute sa vie !
Le Botox, ce n’est pas que j’étais contre, au contraire, j’en étais même curieuse. C’est juste que je n’avais pas le mode d’emploi, ça me paraissait loin, loin, loin, un truc réservé aux femmes très riches, ou très sophistiquées, je ne savais absolument pas comment faire.
Jusqu’au jour où je me suis aperçue que le dermato de ma fille pratiquait le Botox. Je lui en ai parlé, il m’a demandé de hausser les sourcils, et m’a dit « Oui, vous pouvez commencer » (pas très sympa pour l’ego, mais je n’avais qu’à pas réclamer ;)). J’ai pris un rendez-vous, pas tout de suite, quelques semaines après, j’ai tellement hésité. Le jour J, j’y suis allée à reculons, j’avoue que s’il avait annulé, j’aurais poussé un grand soupir de soulagement. J’avais peur :
1, d’avoir mal
2, que ce soit moche, artificiel, que ça se voie
3, de ce que ça représentait, une espèce de narcissisme et de superficialité blâmés par le corps social.
Bon, j’y suis allée, méga tendue, j’ai débité des trucs un peu ahurissants à mon dermato du genre « Non mais c’est pas la peine d’en faire trop, hein ? Je suis juste venue comme ça. Et puis vous êtes sûr que ça ne va pas faire mal ??? ». Très doux, très calme, stoïque même, il a commencé les injections, sur le front, entre les sourcils, et autour des yeux. Constatations :
- Ça pique un peu, mais sans faire mal, un détartrage chez le dentiste est autrement plus douloureux.
- C’est un peu rouge en sortant, mais ça part très vite, personne ne le remarque, du moins je crois.
- Pas de résultat visible les deux jours suivants, mais après… surprise ! Impossible de hausser ou de froncer les sourcils.
Dans la glace, c’est beau, c’est lisse, même au réveil : je suis ravie. C’est invisible pour le néophyte (mon homme ne remarque rien, je suis obligée de le lui dire) (cela dit, il ne remarque pas quand je vais chez le coiffeur, en revanche, il croit que j’y suis allée quand ce n’est pas le cas) : en clair, je ne suis pas boursouflée comme une certaine Nicole K. A l’occasion d’un apéro avec des amis, je me sens quand même un peu prise du locked-in syndrome, car ils me parlent, et moi, dans ma tête, j’ai l’impression de réagir, mais je sais que sur mon visage, il ne se passe rien : ils peuvent me raconter l’aventure la plus ahurissante, je n’ai jamais l’air étonnée, j’affiche toujours un air détaché, très loin de ce que je ressens intérieurement. Sûrement n’ont-ils rien noté, mais je trouve que c’est tout de même compliqué à gérer.
Par contre, quel plaisir de ne plus distinguer la trace de cette satanée ride du lion sur mes photos de vacances, en avril !
Cela fait deux mois et demi que j’ai fait mes injections. Le dermato m’avait dit que ça tiendrait trois mois (je croyais que c’était six en arrivant chez lui), et que je verrai les effets s’estomper petit à petit… Effectivement, à deux mois, ça recommence à bouger, mais surtout, ça recommence à se creuser. Ce qui est légèrement déceptif, à 300 euros la séance ! Je ne sais pas trop comment je me sentirai lorsque je retrouverai toutes mes rides. On ne sait jamais comment on se sentira avec ça… Est-ce que je me dirai, « Allez, c’était une expérience amusante, et maintenant, passons à autre chose ? » Ou est-ce que je complexerai à nouveau ? Franchement, je n’en ai aucune idée.
Ce que je peux dire : c’est qu’essayer le Botox m’a dédramatisé le Botox. Mais qu’il l’a aussi rendu moins mystérieux, donc moins fascinant, et moins attirant.
L.G.